Esquisses

Voici un choix de quelques-uns de jolies projets lesquels nous n'avions pas encore réalisé:



"la vie est ailleurs, pourquoi pas ici?" ou
"Passe-moi le sel, chéri! J'peux pas, il est chez le voisin…"
Une installation performative et participative


PROJET
Dans la performance "Appartement Témoin" que nous avons présentée en 2010, nous présentions au cours d'une visite guidée, sinon iconoclaste, disons un peu décalée, les différents modes d'habiter qui s'offrent à nous avec une réflexion et des débats ouverts sur les initiatives alternatives du "vivre ensemble".
Dans la continuité de ce travail, pour cette nouvelle édition, nous avons imaginé une installation performative et participative qui mette le public en situation d'expérience directe.

"la vie est ailleurs, pourquoi pas ici?" propose à des groupes de 2 à 4 joueurs un parcours d'environs 15 minutes à travers différentes pièces d'un appartement construit pour l'occasion, pendant lequel ils auront le loisir de s'interroger, ils seront questionnés et invités à se positionner quant à leurs désirs, fantasmes, possibilités (émotionnelles, physiques...) relatives à leurs choix d'habitat... et enfin à découvrir où ces choix les mènent.

CHAMPS DE REFLEXION
Notre manière d'habiter relève de notre conditionnement culturel, du milieu dans lequel nous avons grandi et des moeurs, us et coutumes par lesquelles nous sommes régis pendant le temps de notre apprentissage de socialisation.
Nous allons trouver "normal" ce que nous connaissons et "bizarre" ce que nous n'avons pas encore rencontré.
Est-ce normal d'habiter à plusieurs dans une pièce? Est-ce normal d'habiter tout seul dans une maison qui en comporte 10, voire plus? Est-ce normal de partager des toilettes avec les autres locataires de pallier? Est-ce normal d'avoir le choix entre plusieurs pièces d'eau? Est-ce normal de décider de la couleur d'une façade?
D'une manière générale, tout peut être normal ou ne pas l'être selon la situation et le contexte socio-culturel dans lesquels nous avons grandi et évolué.
Ceci est valable, bien entendu, pour un vaste nombre de choses mais après la nourriture, c'est très certainement l'habitat qui touche notre intimité de plus près. C'est là que nous sommes "chez nous".

Et ce "chez nous" peut être entendu de différentes manières selon nos appréciations et choix de vie:
"chez nous" peut-être mon espace privé qui ne relève que de mes goûts personnels, "chez nous" peut être ma famille, mon couple dans lequel j'expérimente mes limites et celle de mon/ma partenaire, "chez nous" peut signifier un groupe élargi avec lequel je partage certaines valeurs, certains choix de vie et appréciation esthétiques et/ou avec lequel je ne les partage pas tout à fait, voire pas du tout...

Plus nous avons le loisir et les moyens d'expérimenter différents modes de vie, plus le champs de ce que nous définissons comme possible s'élargit. Plus le terrain du normal s'agrandit pour ne laisser au bizarre qu'une part de plus en plus réduite. Et plus nos préjugés à l'encontre de "ceux qui ne vivent pas comme nous donc qui ne pensent pas comme nous", les étrangers (littéralement) peuvent s'estomper.
La ville se compose d'une foultitude de ces "chez nous" qui devraient tous avoir le même droit d'exister et de coexister mais force est de constater que la tendance va vers l'imposition d'un modèle prédominant qui vise à l'individuation.

URGENCE SOCIO-POLITIQUE D'INSCRIPTION DU PROJET
A Genève, la crise du logement est, disons-le, en partie provoquée par une volonté admise des forces économiques de faire de la ville un spot d'implantation de grosses multinationales telles que Procter and Gamble et autres, sous prétexte de faire fleurir l'économie locale. Ces multinationales, dans leur logique économique d'entreprise, acquièrent une mainmise sur un parc immobilier destiné à des employés au pouvoir d'achat supérieur à celui du citoyen lambda. Ceci a, entre autres conséquences, de réduire l'offre de logements, de faire monter les tarifs et de précariser les couches sociales des plus fragiles. Dommage collatéral : on a rétrécit les espaces d'expérience d'habitat différent, collectif et communautaire.
Les habitations occupées et autogérées ainsi que les espaces sous contrat de confiance et autres expériences d'habitat alternatif, relativement répandues et acceptées par les politiques il y a encore quelques années ont été systématiquement, sous prétexte de ladite crise, vidés, nettoyés et commercialisés. De là à imaginer par quelques esprits tordus que le "Grand Capital" a réussi à réduire le libre choix de vie des citoyens au modèle le plus commode à contrôler en induisant qu'il n'y en a pas d'autres possibles, ...

Par le dispositif simple que nous souhaitons mettre en place, nous avons pour ambition d'inviter les citoyens genevois, qui se voient ainsi amputés de la possibilité d'expérimenter leurs capacités d'adaptabilité à la vie en communauté "en vrai", à s'y essayer "pour de faux" comme le disent les enfants, de manière ludique.

FORME
L'installation se présente sous forme d'un "appartement-plateau de jeu" à échelle humaine (environ 40m2) auquel on accède par un dédale de couloirs d'un immeuble existant. Ce parcours préalable est destiné à désorienter les joueurs avant de commencer de manière à les mettre en état de réceptivité.
Le plateau est composé de 9 pièces comportant 3 portes chacune minimum (une pour entrer, 2 ou plus pour sortir). Dans chacune de ces pièces, des questions ou des situations sont posées; une question par pièce, une réponse par porte.
Selon les options que prennent les joueurs, ils font un parcours plus ou moins long à travers le labyrinthe des pièces. A la sortie, une surprise les attend...

Les questions sont diverses. Elles peuvent être d'ordre pratique ou quantitatif (surface d'espace vital nécessaire, promiscuité, nombre de calories nécessaires pour une sensation de confort, etc...), sociale ou politique (rapport temps de travail/gain d'argent/budget attribué à l'habitat comme besoin vital/vie associative/part de loisirs/interaction entre lieu de vie et environnement proche comme le quartier). Elles peuvent nous interroger sur notre propre fonctionnement, sur l'équilibre que chacun de nous recherche pour soi entre liberté et confort en tenant compte des moyens qu'il a à disposition, jusqu'où quelqu'un a besoin d'indépendance voire de solitude ou à l'inverse combien de libre arbitre il/elle supporte. Elles peuvent nous interpeller sur notre rapport à l'intime, sur nos limites à nous laisser envahir ou au contraire à être intrusif, sur ce que nous sommes d'accord de mettre en commun en termes de temps, d'énergie, d'argent.

Les formes que prennent les questions sont aussi diverses. Elles peuvent être simplement écrites, se présenter sous forme d'action à effectuer, d'interaction avec des personnages. Les joueurs seront en outre accueillis au début et à la fin de l'expérience selon une mise en scène à déterminer, ainsi que filmés pendant leurs parcours.


LIEU...
...la cour du n°8 de la rue Lissignol (voir schéma)
Le fond de cette cour qui était un temps un parking, est formé par le mur aveugle d'un immeuble dont l'entrée se trouve rue du Cendrier. Au milieu de ce mur se trouve une porte. Une porte qu'on ne voit pas, de prime abord, et qui était à l'origine un accès au parking. C'est cette porte, l'incongruité de sa position et tout le parcours d'escaliers et de couloirs pour y accéder, que nous avons découvert, qui est en partie le déclencheur du projet.

L'installation se situe contre le mur de manière à pouvoir utiliser cette porte comme entrée. En conséquence, le jeu se déroule et débouche dans la cour alors que le début de l'aventure se situe rue du Cendrier. Le "dédale de couloirs" que nous avons décrit plus haut est donc existant mais inconnu pour la plupart des gens, et même des habitants de la rue. Ceci nous permet de ménager un effet de surprise, de mettre en relief l'absurdité et la cocasserie de l'architecture existante et, en même temps, de donner corps et sens à notre objet en le légitimant comme une excroissance de cette architecture.



Un parcours de Minigolf dans l'espace urbain 2010 (projet proposé en parallèle avec Appartement Témoin):


MIMICRY,  mini street golf

"…petit, petit, petit, tout est mini dans notre vie!" Jacques Dutronc

Dans le cadre de la manifestation du BAZ'ART à la rue Lissignol nous proposions l'installation d'un ensemble d'obstacles de mini golf lequel nous imanigions greffées sur et dans le paysage urbain existant.
Ce projet interdisciplinaire visait à nous inciter à vivre et investir l'espace urbain différemment, à réfléchir sur notre rapport physique et émotionnel à notre environnement quotidien et à ouvrir des champs de possibles quant à notre perception et  notre appropriation de celui-ci.




POURQUOI UN JEU
Le jeux n'est pas seulement un excellent moyen d'interroger les modes d'interactions entre ses protagonistes: il rapproche les inconnus, nous permet de rencontrer autrement des personnes de notre entourage; de verbaliser des conflits ou encore de tester notre propre capacité de lâcher prise au moment fatal de la défaite.
Les moments passés à jouer avec d'autres sont aussi des moments volés à la rentabilité du système capitaliste dans lequel nous évoluons.
Le jeu nous permet de vivre des utopies pour autant qu'il dure.
La manifestation proposée par l'association Baz'art veut mettre en avant la possibilité de chacun de s'approprier son espace de vie et de maîtriser ses relations avec ses concitoyens. Le jeu nous semble la meilleure manière de transformer le spectateur en acteur, de faire en sorte qu'il se sente concerné par le processus d'appropriation.



 

LE MINI GOLF
Il naît en Ecosse en 1867. Initialement proposé aux femmes pour lesquelles la pratique du vrai golf était considérée comme "shocking!" car nécessitant des mouvements trop violents, il se mue bientôt en jeu et discipline à part entière:
- pendant citadin du "grand golf des riches" (maints gratte ciels de manhattan voient apparaître leurs mini golf sur leurs terrasses),
- distraction bon marché du simple citoyen dans les années 1920-30 (ouvrir un mini golf sur un terrain vague avec des obstacles fait à partir de matériaux de récupération était à porté de main de n'importe qui),
- lieu pour des flirts bon enfant des adolescents des années 50,
pour en arriver finalement aux modules préfabriqués que nous connaissons de nos jours, mais qui datent le plus souvent au moins des années 80.

Le mini golf séduit par son horizontalité de pouvoir: il peut être joué par n'importe qui, il y a très peu de hiérarchie et le dictât du savoir faire s'y fait peu sentir. Il y a un jeu d'échelle qui nous transporte un peu hors du monde normal quand nous nous promenons sur un parcours. Comme Alice au pays des merveilles, le joueur est géant au pays du mini golf.



LE MINI GOLF ET LES ARTS
A partir des années 80 le mini golf a réussi son entrée dans l'art contemporain.
A noter par exemple une exposition commanditée en 1992 par Ken Buhler pour laquelle il invite 18 artistes et architectes, parmi lesquels Cindy Sherman ou Jenny Holzer, à imaginer des obstacles, les invitant à jouer avec ce jeu et avec les possibilités d'interaction avec le public qu'il rend possible.
Ou encore l'association Clubgolf à Berlin qui depuis 10 ans propose des parcours de mini golf construits avec des matériaux de récupération.
Ou une exposition au "Sculpture Garden Minneapolis", qui re-transpose des parcours de mini golf sur du gazon et une fois de plus les fait construire par des artistes.





MIMICRY MINI STREET GOLF DANS LE CONTEXTE
Le parcours de mini golf que nous imaginons n'est pas constitué d'objets finis, d'obstacles construits pour l'événement, mais propose plutôt une nouvelle grille de lecture possible de la rue dans ses trois dimensions.
A l'aide de menues modifications du relief (modification de l'inclinaison d'une partie de chaussée, prolongement d'un trottoir, d'une rigole d'eaux usées, élargissement d'un nid de poule ou d'une bouche d'égout, ramollissement de la chassée, arrondissement de certains angles, etc...) le parcours s'immisce imperceptiblement par mimétisme (mimicry en anglais) dans l'espace public, il opère un léger glissement dans la proprioception des usagers quotidiens de cet environnement (connu, à découvrir ou à redécouvrir).
Une signalétique appropriée, une poignée de clubs de golf et quelques balles et nous invitons qui veut à nous suivre pour une partie de mimicry mini street golf. Les imperfections de la route deviennent les trous à atteindre, les trottoirs, des montagnes infranchissables, les bacs à fleurs, des jungles foisonnantes, les ornements de façade des univers impossibles à atteindre...
Et pour aider à venir à bout de tous ces obstacles, un personnage gérant du matériel et gardien du parcours, un guide loufoque, à la fois maître de jeu, historien du trou et électron libre accompagnera les joueurs.

Un moment de détente ludique partagé entre visiteurs, mais attention, une détente qui amène à s'approprier l'espace public, à regarder la chaussée avec d'autres yeux - une détente subversive et créative.
Nous recommandons toutefois une solide assurance à responsabilité civile à tout joueur maladroit...


Réponse à l'appel à création du BBI 2010 portant le titre "hope" :


Nous avons bien reçu votre message de recherche d’espoir.
Bien qu’habitant généralement une autre région de l’espace-temps, nous menons actuellement des recherches sur l’archéologie de votre période.

Dans le cadre de notre groupe de recherche fondamentale en utopies anciennes et leurs évolutions, nous avons retrouvé dans nos archives votre appel à projet et serions positivement intéressées d'y participer.
Sans pouvoir vous en dire davantage sur notre situation spatio-temporelle, il se trouve que Fribourg - La Ville Libre - est une Ville emblématique dans notre présent  et nous souhaiterions mener une étude approfondie sur les fondements de sa construction, de son évolution dans son contexte social, politique et économique.
La théorie est importante, mais l'immersion est primordiale.

Il serait très intéressant pour nous de venir vous voir dans cette deuxième décennie du XXIe siècle, où la question de l’espoir comme vous le dites, a occupé une place centrale sur la scène politique et culturelle.
Il est important, nous semble-t-il, de ne pas être aussi catégorique que vous l’êtes dans votre communiqué, et minimiser la place décisive qu’ont les utopies dans le processus de l’évolution des sociétés et structures de gouvernance humaine. Bien qu’elles soient des "stratégies rhétoriques pour rassembler les masses", quelque chose doit les rassembler, ces masses, pour que l'avenir ne se construise pas sur une succession de gestions de catastrophes, défaillances du système économique ou catastrophes naturelles, mais sur une progression. Entendons ce terme dans le sens de Progrès.

Nous aimerions observer exactement où se situe dans votre « aujourd’hui », la projection d’un avenir lointain comme espoir. Il a bien fallu "peak oil", la décroissance des réserves pétrolières, et les changements climatiques dont vous n'appréciez actuellement que les prémices, pour en arriver aux grandes utopies du XXIIe siècle. Vous comprendrez qu'il nous est impossible d'en dire plus sur ce sujet, sous peine de risquer de modifier votre épistémè.
Pour autant les utopies et idéologies, qui sont devenues chez nous des matières obligatoires enseignées à nos jeunes dans leurs cycles d’apprentissage, ne sont largement pas à négliger, sous peine de voir vos, et par extension, nos, sociétés se nécroser. Une organisation sociétaire globale nous est nécessaire.

Un de vos contemporains, Eduardo Galeano, l’a écrit on ne peut mieux : « Elle est à l’horizon (…) Je me rapproche de deux pas, elle s’éloigne de deux pas. Je chemine de dix pas et l’horizon s’enfuit dix pas plus loin. Pour autant que je chemine, jamais je ne l’atteindrai. A quoi sert l’utopie? Elle sert à cela : cheminer.»

Or, l’idée de présent éternel dont vous parlez ne ferait que figer ce cheminement dans une tentative de conservation de l’humain dans une sorte d'éternelle adolescence.
Nous espérons ne pas trop vous brutaliser en vous parlant de la sorte. Nous ne pouvons pas changer votre appréciation de votre propre temps, nous ne pouvons que vous apporter HOPE.

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